Nous sommes arrivés sur cet étang avant même le lever du jour. Ce plan d’eau a traversé une période difficile ces derniers mois : sa roselière, notamment, a beaucoup souffert. L’hiver dernier, un niveau d’eau exceptionnellement élevé et durable lui a fait perdre une grande partie de sa densité.
Dans l’observatoire, les habitués ne cachaient pas leur désarroi. Les conversations allaient bon train :
— « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? »
— « En trente ans, je n’ai jamais vu l’étang dans cet état… »
— « La Brenne, ce n’était déjà plus comme avant, mais alors là, c’est foutu. »
Foutu ? Je n’en suis pas convaincu. La nature a une force de régénération incroyable, et cette roselière meurtrie montre déjà de vigoureux signes de reprise.
Nous nous sommes donc installés dans l’observatoire, en compagnie d’un autre passionné tout aussi matinal que nous.
Très vite, un spectacle inattendu s’est imposé : un rassemblement impressionnant d’ardéidés sur la partie gauche de l’étang. J’ai compté pas moins de quarante Grandes aigrettes, une soixantaine d’Aigrettes garzettes, au moins quatre Bihoreaux gris, une quinzaine de Hérons cendrés et deux ou trois Hérons pourprés.
Tout ce petit monde était accompagné de plusieurs centaines de Mouettes rieuses, parmi lesquelles un unique Goéland leucophée, étonnamment discret. La scène rappelait les regroupements qui ont lieu aux abords des pêcheries des étangs vidés… sauf qu’ici, ce n’était pas le cas.
Les premiers clichés en très faible lumière, ont été pris à 1/60 s, une vitesse très faible à travers la lunette ornitho, néanmoins satisfaisante ici.
Devant nous, les Martins-pêcheurs d’Europe multipliaient les courses poursuites, en sifflant bruyamment. Ce nouveau territoire conquis, il allait bien falloir le défendre !
La matinée s’annonçait sous les meilleurs auspices lorsque des bruits de clapotis révélateurs nous ont avertis : une harde de biches, suivies de quelques faons, traversait l’étang à une soixantaine de mètres de nous. Trop proches pour que je puisse saisir l’ensemble de la scène en photo, mais quel instant magique — de ceux que seule la Brenne sait offrir.
Évidemment, le passage des cervidés a provoqué l’envol général des hérons. Une partie du groupe s’est dispersée, permettant d’obtenir quelques clichés intéressants dans d’autres décors. Ils furent rejoints par des Hérons garde-bœufs, dont certains se sont approchés des vaches qui paissaient sur la prairie voisine.
En suivant ces Hérons garde-bœufs du regard, nous avons alors aperçu un autre groupe de biches, plus éloigné, rassemblé par un Cerf au port majestueux, couronné de ses bois.
Aucun doute : le brame est bel et bien lancé, et cet étang emblématique de la Brenne a encore beaucoup à nous offrir…
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